Cette année, j’ai lu Fight Club de Chuck Palahniuk, une lecture que je n’ai pas beaucoup appréciée. Dès les premières pages, je savais qu’elle ne me plairait pas, mais, comme je suis entêtée, il était hors de question de la mettre de côté. Je lisais un chapitre de temps à autre lorsque mon état d’esprit le permettait (c’est-à-dire assez rarement), car je savais que cette lecture me rendait impatiente et de mauvaise humeur. C’est ainsi que, petit à petit, j’en suis venue à bout… plus de trois mois plus tard! Aujourd’hui, je me demande pourquoi je me suis infligé cela, alors que clairement, cette expérience de lecture m’a peu apporté de bon.
Pourquoi voulais-je abandonner?
Premièrement, les personnages ne m’ont pas plu. J’aime quand je peux comprendre les personnages, même s’ils sont différents de moi. Là, je ne réussissais pas du tout à les saisir et leur façon de penser douteuse m’a rendue mal à l’aise du début à la fin. Bien sûr, on comprend qu’ils ne sont pas bien dans leur coco, mais tout demeure trop grossier et provocant pour que mon opinion envers eux s’adoucisse ou que je les prenne en pitié.
Deuxièmement, même si je peux apprécier des livres qui présentent des thèmes très durs, ici, j’étais incapable de m’y faire. Les thèmes de l’autodestruction et de la destruction en général étaient abordés comme une vérité si simple. On regarde le protagoniste se faire embarquer tellement facilement dans cette nouvelle façon de vivre et y participer tantôt à fond, tantôt en retrait, mais sans jamais la remettre en doute. C’est assez violent et parfois j’ai dû passer quelques lignes, car j’avais la nausée…
Troisièmement (peut-être que j’aurais dû le nommer en premier, car c’est selon moi le point qui a le plus influencé mon opinion envers le roman), le style d’écriture ne me convenait pas. Beaucoup semblent qualifier ce style d’original, mais pour ma part, le manque de fluidité me dérangeait et, je dirais même, m’exaspérait. Je me perdais dans les phrases et devais sans cesse les relire en boucle ou à voix haute pour les comprendre. Voici un extrait de la première page du livre pour illustrer mes propos :
« Tyler me trouve un boulot comme serveur, après ça, y a Tyler qui me fourre une arme dans la bouche en disant :
– Le premier pas vers la vie éternelle, c’est que tu dois mourir.
Pendant un long moment pourtant, Tyler et moi avons été les meilleurs amis du monde. Les gens n’arrêtent pas de me demander : est-ce que j’étais au courant pour Tyler Durden?
Le canon de l’arme appuyé sur le fond de ma gorge, Tyler dit :
– En fait, nous ne mourrons pas vraiment. »
N’est-ce pas brouillon? Ne saute-t-il pas du coq à l’âne? Et puis, pendant ma lecture, je me butais aux figures de style la plupart du temps vulgaires ou douteuses. Par exemple, la première phrase du deuxième chapitre va comme suit :
« Les gros bras de Bob s’étaient refermés pour me tenir en leur étreinte, et j’étais écrasé dans l’obscurité entre les nouveaux nénés suants de Bob, suants et pendouillants, énormes de cette même manière que l’on associe Dieu à l’idée de grand. »
Whaaat?
Je crois que si le style d’écriture m’avait plu, j’aurais pu davantage apprécier ce roman, car certains messages plus percutants au sujet de la (sur)consommation de biens, de la place des « petites gens » dans la société, de la routine métro-boulot-dodo, de notre besoin d’écoute, d’attention et d’amour entre autres m’ont marquée.
Pourquoi n’ai-je pas abandonné?
Je me pose sérieusement cette question, parce que mon temps de lecture devrait me procurer un sentiment de bonheur et de détente. Or, avec Fight Club j’avais l’impression de perdre un temps précieux pour lire quelque chose d’autre qui m’aurait sans doute davantage plu. Mais je me disais aussi que, si je l’abandonnais, j’allais prendre du retard dans mon objectif de lire 45 livres pour 2020, un objectif ambitieux pour moi. Quel dilemme!
Ensuite, je crois que je n’ai pas abandonné la lecture de ce roman, parce que j’espérais changer d’avis. Fight Club est un classique de la littérature contemporaine. Il est encensé! Un film en d’ailleurs été tiré. Je voulais le lire pour faire croître ma culture personnelle, mais en ne l’appréciant pas, il y avait cette petite voix dans ma tête qui me narguait en me faisant croire que je n’en étais pas digne, que je n’étais pas à la hauteur, pour bien comprendre toutes ses subtilités. Et pourtant, cela ne pourrait être plus vrai, car je ne suis pas du tout une experte de la littérature! Lorsque j’en suis arrivée à cette évidence, c’est vraiment l’orgueil qui a pris le dessus. Je devais réussir cette épreuve!
Enfin, ce livre, c’est un ami qui me l’a prêté. Et puisque je n’ai pas souvent la chance d’échanger à propos de lecture avec des gens de mon entourage, je voulais saisir cette occasion pour parler d’intérêts communs. Mais aurait-on vraiment passé des heures à décortiquer un livre que je n’ai pas aimé et qu’il a lu il y a très longtemps? Je ne crois pas, non. Reste qu’il est vrai que je ne me serais pas sentie à l’aise de rendre un livre sans l’avoir lu, déjà que c’était si gentil de sa part de me le prêter. Moi et ma (parfois trop) grande politesse…
Pourquoi essayé-je de me justifier à moi-même?
Tout ce long préambule pour arriver à cette dernière question. Je crois qu’il était nécessaire pour moi de décortiquer mon cheminement mental afin de découvrir à quel point toutes ces raisons n’ont aucun sens et m’apparaissent complètement contradictoires avec d’autres situations.
Ce que vous ne savez pas, c’est que j’ai abandonné un livre cette année. Il s’agit de Cœur de Gaël, une romance que ma mère m’a donnée (en fait, elle m’a donné les quatre tomes de cette série). J’ai lu environ 150 pages du premier tome avant de me rendre à l’évidence que cette lecture n’était pas pour moi. Il faut dire que j’ai persévéré quand même un bon moment et que ça ne m’a pas empêché de laisser ce roman de côté même si cela me retardait dans mon objectif annuel. De plus, je n’ai pas été empêchée par le désir de vouloir échanger avec elle sur ce livre. Bon, il est vrai toutefois qu’elle est peut-être la personne avec qui je parle le plus de lecture dans mon entourage. Alors un de plus, un de moins, ce n’est pas la fin du monde… même si je sais qu’elle avait particulièrement aimé cette série.
Je crois que si cela a été aussi facile d’abandonner Cœur de Gaël, c’est parce que, vous me connaissez maintenant, je ne suis pas une grande admiratrice des romances. Lorsque j’en ouvre une, c’est toujours avec réticence et avec des attentes peu élevées. Je l’admets, je me permets même de juger le livre* avant même de l’avoir lu, ce qui n’aide sûrement pas à me mettre dans une ambiance agréable de lecture. À l’inverse, comme pour Fight Club, j’ai des préjugés favorables envers les livres reconnus. Je finis par me juger moi-même si je ne les comprends pas et s’ils ne rencontrent pas mes attentes. On s’entend qu’il ne s’agit pas d’un comportement conscient ni d’un comportement très sain.
Finalement, je retiens de cette expérience que j’ai en moi des biais envers les livres et les genres littéraires! Même si je crois sincèrement qu’il ne devrait pas y avoir de hiérarchie dans la littérature, j’agis comme s’il y en avait une et m’impose des barrières qui m’empêche de vivre my best reading life. Est-ce que me donner un objectif annuel de lecture contribue à ce genre de comportement? Peut-être que ce serait une piste à explorer pour la prochaine année afin de me donner le droit de commencer des livres et de ne pas les terminer s’ils ne me conviennent pas. Surtout, en 2021, j’aimerais apprendre à ne pas me taper sur la tête quand je n’aime pas un livre à succès. Lire n’est pas un combat contre soi.
* Nuance importante : j’ai tendance à porter un jugement envers le livre en fonction de mes goûts personnels. En aucun cas je ne juge les personnes qui écrivent de la romance ni celles qui en lisent! Tous les goûts existent dans la nature, comme on dit!
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